H. J. Magog

LE BOUDDHA VIVANT

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Table des matières

 

I  L’ESCALE IMPROVISÉE. 3

II  UNE APPARITION.. 11

III  INTERVIEW... 17

IV  LA FUITE. 28

V  LA COLÈRE DES LAMAS. 32

Ce livre numérique. 44

 

I

L’ESCALE IMPROVISÉE

Emportant son lot de touristes qui, dans sa nacelle, faisait le tour du monde, le dirigeable Paris passait au-dessus du mystérieux Thibet, dont les cimes neigeuses défilaient, en arrière-plan, à travers les baies vitrées de l’aérienne salle à manger.

Les passagers, curieux, intrigués, se pressaient contre les vitres, pour contempler le spectacle.

Sous le dirigeable, le relief du sol réduit à de simples taches de couleur, de larges vallées fleuries de rhododendrons, devaient monter, entre les hautes falaises, vers quelque lac de montagne ; un limpide ruisseau s’étirait sur un lit de pierres gris-mauves. Ou peut-être passait-on au-dessus d’un de ces monastères thébaïdes, dont les maisonnettes blanches et basses se pressent autour des temples battus par les vents.

On survolait le Thibet. Cela valait quelque curiosité.

Trois des spectateurs semblaient particulièrement intéressés. C’étaient une jeune étudiante, du nom de Sylvette Carignan, le journaliste Jacques Novalaise et un jeune touriste, Fred Veulettes, qui disait voyager pour son plaisir, mais dont les allures suspectes faisaient penser, à ses compagnons de voyage, qu’il pouvait fort bien être un de ces aventuriers sans cesse en quête de projets douteux.

— Nous tournons en rond ! annonça Veulettes. Voilà trois fois que nous repassons au-dessus de ce plateau.

— L’Everest est là-bas, affirma Novalaise, qui se piquait de connaissances géographiques, en tendant le bras au hasard dans la direction d’un pic coiffé de neige et de glace.

— Mais, le pays du mystère est sous vos pieds, riposta Sylvette Carignan, avec ferveur. Monsieur le journaliste, pouvez-vous me dire en quelle ville réside le bouddha vivant ?

— Il y en a plusieurs, énonça doctoralement l’interpellé. Il y a celui d’Ourga, et celui de Lhassa. Et puis, tous les réincarnés de rechange…

— Controversé, ricana le sceptique Fred Veulettes. Il n’y a pas de bouddhas vivants. Ceux que nous nommons ainsi, en notre ignorance occidentale, ne sont que des lamas tulkous, c’est-à-dire des personnages placés au sommet de la hiérarchie religieuse. Le populaire voit en eux des réincarnations de défunts, ou même de démons et de dieux. Avec eux, nous entrons dans le domaine de la légende et de la superstition.

— Légende et superstition sont les véritables fleurs de la vie, intervint le goguenard journaliste. Sans elles, y aurait-il une poésie ?… En quoi cela vous gêne-t-il de nous laisser croire qu’il est encore des dieux sur la terre ?

— Les explorateurs ne les ont point rencontrés. Au diable les démolisseurs de légendes ! vitupéra Novalaise.

— On raconte tant de choses sur ce Thibet ! soupira Sylvette, en secouant ses courtes boucles blondes.

Ses yeux dorés rêvèrent. Elle abaissa passionnément ses regards vers le sol.

— Je voudrais voir ! murmura-t-elle.

— Tout ceci n’explique point pourquoi nous tournons au lieu d’avancer, observa raisonnablement le jeune Veulettes. Il doit se passer quelque chose à bord. Si on demandait au commandant ?

— Allez-y. Vous nous renseignerez, conseilla l’ironique Novalaise.

— Volontiers.

L’informateur revint peu après.

— Une avarie, résuma-t-il. On répare. Mais il faut tourner sur place, sans avancer. Le commandant m’a expliqué pourquoi. Je n’ai rien compris…

— On ferait mieux d’atterrir, cela nous permettrait de descendre cueillir des fleurs du Thibet, souhaita naïvement Sylvette.

— Atterrir ! ricana Fred Veulettes. Vous figurez-vous, mademoiselle, qu’un oiseau comme le nôtre se pose n’importe où ?

— Il devrait y avoir un moyen, s’entêta la jeune étudiante. Oui ou non, faisons-nous un voyage d’agrément ? Quand ils stoppent près de la côte, même en dehors d’un port, les paquebots mettent des embarcations à la disposition des passagers qui veulent aller à terre.

— Nous n’avons pas de canots aériens ! s’esclaffa Fred.

— Alors, nous raterons cette occasion unique. C’est stupide !

Du haut de sa trentaine musclée, – d’ailleurs dominée par les vingt-cinq ans élancés de Fred Veulettes – Jacques Novalaise darda sur celui-ci un regard moqueur. Il sourit, mystérieusement, à certain projet qui le séduisait tout à coup.

— Vous croyez, jeune homme, que nous ne disposons pas de canots aériens ? susurra-t-il. Et pour quoi comptez-vous l’avion que porte le sommet du dirigeable ? Il est destiné à assurer la liaison avec le sol, en cas de besoin. J’estime que le caprice de Mlle Carignan pourrait justifier qu’on s’en serve. Voulez-vous que je sollicite le commandant ?

— Oh ! oui, cria la jeune fille, en battant des mains.

— J’y vais.

Le tentateur sorti, Fred grogna.

— Quelle sotte idée ce monsieur mêle-tout vous fourre-t-il en tête ? Imaginez-vous tous les risques d’un pareil caprice ? Quitter le bord n’est rien. Il faudra revenir. Je ne vois pas bien l’avion se posant sur la plate-forme du dirigeable.

— On a dû faire des essais et reconnaître la chose possible, répliqua Sylvette.

— J’espère bien que le commandant refusera l’autorisation, s’obstina le jeune homme.

Mais le retour triomphant de Jacques Novalaise n’annonça pas un échec. D’un geste discret, le journaliste appela l’étudiante.

— La réparation durera au moins vingt-quatre heures, dit-il. Le commandant consent à ce que l’avion vous dépose à terre et vous attende, à la condition que vous ne vous éloigniez pas de ce plateau. Montez sur la plate-forme supérieure et n’attirez pas l’attention des autres passagers. Naturellement, l’autorisation que j’ai obtenue n’est valable que pour vous et pour moi.

— Et moi ? demanda jalousement Fred. Je désapprouve cette folie. Mais, je tiens à accompagner mademoiselle.

Avant que l’étudiante eût fait connaître son sentiment, Novalaise répondit jovialement.

— Je prends sur moi de vous emmener. Plus on est de fous, plus on rit. Et vous êtes un petit fou, monsieur Veulettes… Je passe le premier. Vous fermerez la marche. Le personnel nécessaire est déjà là-haut.

Vingt minutes plus tard, l’avion-baleinière déposait sans anicroche, sur le plateau thibétain, la curieuse et ses deux compagnons. Ce terrain d’atterrissage était pierreux, stérile et complètement désert. À part le panorama lointain du massif himalayen, il n’offrait, à la déception de l’étudiante, rien qui pût constituer un but de promenade et justifier la fantaisie qu’elle avait eue d’en fouler le sol aride. Déjà, Fred Veulettes, exultant, ricanait et parlait de rejoindre le bord.

Mais il eût été pénible à la belle capricieuse de se reconnaître aussi vite désenchantée. Feignant de ne vouloir que se dégourdir les jambes, elle s’éloigna des deux hommes et marcha vers un escarpement qui, à petite distance, limitait cette partie du plateau.

Emplissant un ravin, un fouillis de rhododendrons nains et de primules alpestres s’enfonçait dans un étranglement de rochers.

Sylvette, dégringolant les pentes, y plongea comme une petite folle, et disparut aux yeux de ses gardes du corps.

— Et la promesse faite au commandant de ne pas quitter le plateau ? s’inquiéta Fred. Où va cette jeune toquée ?

— À l’aventure et vers l’aventure ! répliqua Jacques Novalaise, avec la bonne humeur d’un homme qui voit ses désirs secrets exaucés. Je serais, pour ma part, désolé qu’elle ne la rencontrât pas.

— En ce cas, vous me permettrez de vous quitter pour la rejoindre, riposta le jeune homme avec importance. Ma place est aux côtés de cette jeune fille, pour la protéger au besoin.

— Bravo ! fit Novalaise, avec une bonhomie ironique. Vous êtes un vrai chevalier. Je n’ai pas de visées aussi héroïques. Mais, comme il m’est indifférent de diriger ma promenade d’un côté plutôt que d’un autre, je vous accompagnerai pour être le spectateur de vos exploits. J’adore les émotions. Si vous, ou cette demoiselle, m’en procurez, je vous bénirai.

— Ce qui revient à dire que vous lui souhaitez tout autre chose qu’une paisible promenade, souligna Fred Veulettes d’un ton acerbe. Vous êtes quelque peu égoïste !

— J’ai mes petits défauts… que j’aime assez pour ne point tenter de m’en corriger, admit le journaliste avec bonne humeur.

Ils arrivaient au bord du ravin, dans lequel leurs yeux pouvaient plonger. La jeune fille n’était plus en vue. Elle avait dû contourner le rocher, derrière lequel se poursuivait le serpentement de la gorge.

— Nous descendons ? proposa le jeune Veulettes, décidé à maquiller d’inquiétude son évident désir de rejoindre la promeneuse.

— Descendons, accepta Jacques Novalaise.

La pente était roide : presque une muraille.

Ils durent s’accrocher aux arbustes pour ralentir leur descente et ne pas la transformer en chute. Ils touchèrent enfin le fond du ravin et s’orientèrent aussitôt vers le tournant de roc, dont l’avancée leur cachait la promeneuse. À leur tour, ils le dépassèrent et leur vue put s’étendre librement sur un terrain pierreux, qui dévalait jusqu’au pied d’une muraille de rochers.

Ensemble, les regards des deux hommes atteignirent cette muraille, le long de laquelle, hissée par une corde suspendue à une poulie, une sorte de corbeille montait lentement vers une ouverture percée dans le rocher.

Ils poussèrent, chacun selon son tempérament et ses pensées secrètes, une exclamation de stupeur.

Dans la corbeille-ascenseur, que hissaient des mains invisibles, ils pouvaient reconnaître parfaitement Sylvette Carignan.

— Mais, c’est vraiment une aventure ! s’exclama brusquement Jacques Novalaise, en se frottant les mains et en manifestant une joie singulière. Qu’en dites-vous, jeune homme ? Le hasard ne fait-il pas bien les choses ? Mieux que les hommes, mon cher ! Mieux que les hommes !…

II

UNE APPARITION

Devançant Veulettes et Jacques Novalaise, Sylvette était arrivée la première au bas du rocher et y avait découvert le singulier panier.

— Ça ?… Eh bien, c’est tout bonnement un monte-charge ! décida-t-elle après l’avoir considéré. Et je parie qu’il y a là-haut, – dans une grotte dont j’aperçois l’ouverture – un bon vieux moine, barbu à la manière de ceux du Mont-Athos, qui méprise les joies de ce monde et passe son temps en prières. Ce panier doit servir à hisser jusqu’à lui les provisions que des âmes charitables lui apportent. Je serais curieuse de faire la connaissance de ce saint homme…

Et brusquement, obéissant au caprice baroque que lui suggérait sa fantasque cervelle, l’étudiante s’installa délibérément dans le panier et tira sur la corde.

En même temps, les yeux levés vers l’ouverture, elle surveillait l’apparition de l’ermite supposé.

— S’il m’aperçoit !… Il y a des chances pour qu’il me laisse sur le sol ! pensait-elle.

Mais rien ne se montra et la corde roidit soudain. Enlevée dans les airs, la jeune fille battit des mains.

Elle jubilait. Il n’y avait vraiment pas de quoi… L’ascenseur était sans charmes, la balançant sans ménagement et heurtant à chaque instant la paroi du rocher, qui le renvoyait tanguer dans le vide.

Une dernière secousse enfonçait dans la fenêtre, taillée en plein roc, le panier ascenseur, arrivé à destination. Il se posa sur le sol rugueux d’une sorte de cellule, à deux pas d’un jeune homme vêtu d’une robe de soie jaune à ceinture noire.

Les mains encore agrippées à la corde qu’il venait de haler, il regardait avec émerveillement la jeune fille – apparition surnaturelle…

 

*    *    *

 

Ce jour-là, dans son tsham-khang, ou cellule de retraite, le tulkou Balma était en méditation au milieu du kyilkor, dont le cercle magique, composé de poudres multicolores, l’isolait du monde.

Isolement théorique. Ses yeux grands ouverts – ils étaient noirs et magnifiques – avaient bien pris cette expression vague de l’homme perdu dans le rêve. Mais évoquaient-ils la fleur de lotus, sur les pétales de laquelle se tiennent assis des Bodhisâtvas ? D’autres figures, plus profanes, traversaient peut-être la méditation de Balma. Franchissant les limites du kyilkor, au lieu d’y demeurer pour chercher sur le sol l’apparition des visions extatiques, ses regards s’envolaient mélancoliquement par la fenêtre de roc, comme des oiseaux prisonniers, aspirant à se lancer dans l’espace.

Une corde pendait devant, à cheval sur une poulie. La corde oscilla et les réflexes du jeune homme agirent. Allongeant une main méditative, Balma se saisit de la partie de la corde qui traînait sur le sol et tira. Il agissait ainsi quand les serviteurs du monastère, auquel il appartenait, venaient renouveler ses provisions. La règle de cette claustration pieuse, qui s’appelle le « tsham », voulait que son ravitaillement s’opérât sans contact direct avec les humains.

Mais, que se passait-il, aujourd’hui ? Voici que la corbeille, au lieu de l’habituelle provision de thé, de beurre et de farine d’orge grillée, déposait devant lui une jeune fille malicieuse, habillée comme une diablesse d’Occident.

Le tulkou n’eut pas envie de fermer les yeux. Immédiatement, il contempla la jeune fille de façon si admirative, qu’elle éclata de rire.

— Bonjour, monsieur l’ermite ! dit-elle familièrement. Car, je suppose que c’est bien là votre profession, en même temps que votre seule excuse d’habiter cet inconfortable grenier ? Je ne vous imaginais pas sous cet aspect si peu vénérable… Je pensais trouver quelque ascète à barbe blanche. Heureusement que vous ne me faites pas les gros yeux, cela me rassure.

Étourdiment, elle employait la langue française, qui n’était pas trop indiquée en présence d’un lama thibétain. Or, tout aussi naturellement, le tulkou Balma répondit en cette langue. Sylvette aurait pu s’en émerveiller. Elle n’y songea même pas.

— D’où venez-vous ? demanda le jeune homme, en la dévorant des yeux.

— Du ciel ! répondit Sylvette, qui se souvenait d’être une passagère du dirigeable. Et ceci doit achever de vous rassurer.

— Vous êtes Française ? demanda timidement Balma, prouvant par cette question qu’en dépit des circonstances merveilleuses de sa venue, il admettait que l’étrangère fût une créature terrestre.

— Oui. Connaissez-vous la France ?

— La France… répéta Balma d’une voix rêveuse. Non… Mais, je la vois souvent en rêve.

Et il soupira.

Comme il avait la figure jeune ! En cet instant, dans l’austère décor de cette cellule aux murs tapissés de bois commun, d’un escabeau et d’une dure couchette, il avait l’air d’un étudiant qui rêverait au monde et tenterait d’en imaginer les joies inconnues.

Cette comparaison vint à la pensée de Sylvette. Elle regarda Balma avec sympathie. Elle dit, tout à coup, après avoir remarqué une porte au fond de la cellule :

— Qu’arriverait-il, si vos maîtres me découvraient chez vous ?

— Je n’ai pas de maîtres ! riposta orgueilleusement le jeune homme.

— Alors, rien à craindre ? Rien ne s’oppose donc à ce que nous fassions connaissance ?

— Personne ne viendra, répéta Balma. Et c’est tant mieux ! Je préfère qu’on ne vous trouve pas ici.

Une angoisse effleura son regard. Il hésita… Songeait-il à conseiller à la jeune fille une prompte retraite ? Ses yeux étaient tournés vers la porte et il semblait prêter l’oreille. Or, un bruit les fit sursauter tous les deux… Mais, il ne venait pas des flancs du mystérieux rocher. Il montait du dehors, et c’était un appel.

— Mes amis, M. Novalaise, M. Veulettes… Qu’imaginent-ils ? Que croient-ils ?… Regardez leurs têtes ! Oh ! n’est-ce pas, il faut les faire monter ?

Sans attendre la réponse, elle transmettait par signes, aux deux hommes arrêtés au pied du rocher, l’invitation à prendre place dans le corbillon. Jacques Novalaise comprit le premier et s’installa dans la corbeille-ascenseur.

— On fera deux voyages, décida Sylvette. Hissons toujours le premier convoi.

Elle se suspendit à la corde. Stupéfait, Balma ne fit rien pour s’opposer à cette nouvelle invasion. Et bientôt, la ronde tête de Jacques Novalaise apparut au niveau de la fenêtre.

— Si j’étais homme à m’étonner de quelque chose ! s’exclama-t-il.

Et ses yeux vifs et malicieux, pénétrant avant lui dans la cellule, en réalisaient l’inventaire complet pour revenir s’intéresser à la stupeur du tulkou Balma. La bouche ironique de Novalaise se fendit en un large sourire satisfait.

— Voilà qui n’est pas banal ! prononça-t-il tranquillement, en s’extrayant du panier. Comment avez-vous déniché cet ermitage et la manière d’y accéder ? Savez-vous, mademoiselle, que vous êtes aussi curieuse que notre mère Ève ou que plusieurs douzaines de dames Barbe-Bleue ? Qu’est-ce que vous fabriquez, chez ce jeune bonze ?

— Il parle français ! s’empressa de répondre Sylvette.

— Vraiment ? fit le journaliste, sans sourciller. Comme la vie est amusante ! Et quelle belle occasion de nous instruire sur les mœurs du Thibet ! Mais, permettez-moi de renvoyer l’ascenseur.

Légèrement penché au dehors, il s’assura, d’un coup d’œil, que le jeune Veulettes prenait à son tour place dans la corbeille et le hissa, en jetant à Balma un regard léger et ironique :

— Vous permettez, jeune homme ? Nous ne sommes pas encore au complet. Et puisque c’est votre jour de réception…

Puis, quand le jeune Veulettes, effaré et ahuri, eut fait une entrée oscillante, ramassant du regard les trois personnages, comme il eût fait de cartes distribuées par un partenaire de bridge, Jacques Novalaise fit entendre un petit ronron de joie et proclama avec conviction :

— Ah ! mes enfants ! Les voilà bien, les surprises du voyage ! Je ne sais pas encore où, ni chez qui nous sommes, mais je pressens déjà qu’on va s’amuser… Il est gentil, ce petit-là… sympathique, accueillant… Et puis, il est chic. Il sait s’habiller. Petit, il faudra me donner l’adresse de ton tailleur. Cela me servira pour le prochain carnaval. Est-ce un costume national, que tu portes là ? Un uniforme ?… Au fait, si tu nous disais ce que tu fabriques dans la vie ? Présente-toi.

— C’est un lama, intervint Sylvette, avec assurance.

Mais secouant la tête, avec un sourire bizarre, Balma répliqua doucement :

— Je suis un dieu…

III

INTERVIEW

Les auditeurs ne s’exclamèrent pas. L’occurrence les laissait dépourvus du vocabulaire convenable pour exprimer leurs impressions. Ah ! s’il s’était agi d’un roi, d’un président de République ! Mais un dieu, c’est un personnage en dehors de notre époque. La rencontre les déconcertait. Ils regardaient Balma comme s’ils avaient contemplé le diplodocus, ou quelque autre fossile des âges préhistoriques.

— Mes félicitations ! exprima le premier, Novalaise, pince-sans-rire. C’est une belle situation… Et vous y êtes arrivé si jeune !

— Je suis né comme ça, répondit modestement le tulkou.

— Fils de famille, alors ? L’emploi est héréditaire ? Vous y avez moins de mérite. Mais, si la place est bonne et les appointements suffisants…

Le railleur n’interloquait pas que Balma. Le ton qu’il prenait choquait la jeune fille et indignait Veulettes, traditionnaliste inconscient. Pourtant, Sylvette pensait :

« Il est dieu, ce petit-là ? Comme c’est drôle ! Je ne pourrais jamais le prendre au sérieux, ni lui adresser des prières. Heureusement que je ne suis pas bouddhiste ! »

— Vous êtes pauvrement logé, monsieur le dieu, reprit Novalaise. D’ailleurs, je reconnais que vous êtes dans la tradition. C’est dans le cadre le plus humble que se manifestent les dieux. Qu’était donc votre Bouddha, quand il vint pour la première fois parmi les hommes ? Un mendiant, à ce que je me suis laissé conter. Il est vrai qu’il avait été prince… Vous aussi, peut-être ?

— Je suis le tulkou de Bouddha, sa seule vraie réincarnation, répondit discrètement, mais fort sérieusement le Thibétain. Les signes qui l’annonçaient ont marqué ma naissance et les lamas du monastère secret, où j’ai été élevé, affirment que je suis sur la terre pour faire justice des imposteurs qui, à Ourga et à Lhassa, se proposent faussement à l’adoration des fidèles. Et c’est pourquoi on m’impose de vivre dans la retraite et de me préparer à mon rôle.

Il accompagna cette déclaration d’un tel soupir, que Sylvette s’écria étourdiment :

— Vous n’avez pas l’air d’avoir la vocation, vous savez !

Balma sourit mélancoliquement.

— Le grand lama affirme que si. Et le grand lama est un homme qu’on n’ose guère contredire.

— Même vous ? protesta Sylvette.

— Même moi. Si je suis bouddha, il est mon guide et le seul dépositaire des volontés de mon père céleste. C’est lui qui me les fait connaître.

— Un interprète, quoi ! railla irrévérencieusement Jacques Novalaise.

Il raillait. Mais, Balma le prit au sérieux. Il soupira encore.

— Je suis dieu, mais Kampo-Goro est plus que le Dalaï-lama. Étrangers, vous ne pouvez comprendre.

— Et vous non plus, peut-être ? lança ironiquement Fred Veulettes. C’est bien la peine d’être dieu !

— Il y a aussi les lamas Ta-Dzuk et Sayn-Dzuren, qui sont mes conseillers vénérés, selon la volonté de Cakya-Mouni, traduite par le grand lama.

— Et je parie qu’ils ne seraient pas contents de nous voir ici ?

— Il vaut mieux pour vous qu’ils ne vous sachent pas ici, en effet, répondit Balma avec réserve.

— Serions-nous passibles de quelque châtiment ? demanda Sylvette.

— Évidemment, répondit le tulkou, en frissonnant trop manifestement.

Ses yeux limitèrent ses craintes. Le traitement que des lamas fanatiques pouvaient infliger à Novalaise et à Fred, profanateurs involontaires, le laissait indifférent.

— Mais, il n’y a pas de danger qu’ils viennent, rassura-t-il, en s’adressant exclusivement à la jeune fille. J’en suis heureux. Je ne tiens pas du tout à ce qu’ils me démontrent que vous n’êtes pas une vision envoyée par mon père.

— Vous nous considérez comme une vision ? demanda coquettement Sylvette. Agréable, n’est-ce pas ?

Le jeune dieu rougit vivement.

— Oui, affirma-t-il à voix basse.

La jeune Sylvette faisait le tour de la cellule.

— Est-ce que les visions ont l’habitude de prendre le thé ? questionna-t-elle. Ce serait joliment amusant de faire la dînette avec vous ! Je vois que vous possédez les ustensiles nécessaires.

— Une tasse de thé ? insinua Jacques Novalaise, en faisant la moue. Oui, sans doute. Mais on nous la servirait mieux accompagnée dans la salle à manger de notre paquebot volant. Ce jeune dieu peut nous servir un goûter plus extraordinaire en nous faisant ses confidences. Je parie qu’il en a gros sur le cœur et que ce n’est pas gai tous les jours d’être dieu… quand on a vingt ans.

— Je ne sais pas mon âge, avoua Balma.

— Mais à quoi vous a-t-on reconnu ?

— Vous ne savez rien, constata le bouddha vivant, avec une nuance de commisération. Il y a des signes. Quand un bouddha doit naître, un loup blanc apparaît près de la « yourta » qui abritera son berceau. Ou bien, sa naissance est annoncée par celle d’un mouton à deux têtes. Pour moi, les choses ne se sont pas passées ainsi. Il paraît que le grand lama a pêché, dans le lac sacré de Tangri-Nor, un poisson sur les écailles duquel il a lu mon nom.

— C’est romanesque au possible ! apprécia Sylvette. Comme je voudrais visiter ce monastère ! L’entrevoir, tout au moins.

Les yeux vifs de Jacques Novalaise brillèrent. La jeune fille exprimait son propre désir. Le Bouddha vivant ne se choqua point.

Il semblait éprouver la joie malicieuse de l’écolier, enfermé par un maître sévère dans la salle d’étude pour quelque pensum ennuyeux, et que la venue d’un insecte bourdonnant distrait.

— Vous voudriez voir le temple ? répéta-t-il. Je pourrais bien vous y conduire par un chemin que je connais. Le monastère est au pied de la falaise. C’est de là qu’on m’apporte ma nourriture chaque jour, en utilisant la corbeille, comme vous l’avez fait. Mais la partie intéressante – et secrète – est creusée à l’intérieur de ce rocher. Notamment, le temple. En sortant de ma cellule, il suffit de descendre un escalier pour aboutir à une galerie souterraine qui y conduit. Comme ce couloir est percé de lucarnes prenant jour dans le temple, il vous sera facile, par l’une d’elles, de satisfaire votre curiosité, sans risquer d’être aperçue. Voulez-vous que je vous y mène ?

Adressée uniquement à l’étudiante, son offre fut immédiatement acceptée par l’enthousiasme de Novalaise, auquel se joignit la condescendante curiosité de Veulettes. Il ne leur était pas désagréable de participer aux émotions d’une visite clandestine.

« Une aventure à raconter, pensaient-ils. Tout le monde n’aura pas vu ça ! »

Déjà près de la porte et sur les pas de Balma qui se faisait son guide, l’étudiante s’abandonnait à un émoi de qualité supérieure : un dieu les guidait en personne vers un lieu vraisemblablement interdit à la presque unanimité des vivants. Et, surcroît de plaisir, – tant la joie, la douleur ou la terreur mélangent et confondent les sensations qu’elles procurent – elle pouvait penser qu’elle risquait sa vie, ou tout au moins un péril d’importance.

Balma, moins grave que joyeux, pourtant, avait la mine espiègle de l’étudiant entraînant des camarades de cours. Avec leur aide, il méditait un bon tour. Mais il avait confiance que l’impunité serait assurée.

Creusé dans le roc, aux parois grossièrement taillées, l’escalier était rudimentaire ; et l’obscurité complète qui y régnait aurait aidé à s’y rompre le cou, si les participants à l’escapade n’avaient eu la souplesse de la jeunesse. Balma ouvrait la marche. Sylvette suivait bravement, étouffant des rires silencieux, en monôme, ses deux mains plaquées sur les épaules du Bouddha vivant, lequel ne s’était muni d’aucun luminaire et prétendait se diriger à tâtons. Mais elle était forcée de tolérer, plaquées à ses épaules, les mains ravies de Fred Veulettes. Et Jacques Novalaise fermait la marche. Ce rang sans gloire était celui du moindre risque. Le malin journaliste pensait qu’en cas de chute, la sienne serait amortie par le matelas moelleux des imprudents qui le précédaient.

L’anicroche ne se produisit point. Balma avait le pied sûr et connaissait les aîtres. Au bas des marches, un couloir élargi et vaguement éclairé par quelques soupiraux, accueillit l’indiscret trio. On y voyait assez pour que Balma, se retournant et plaçant un doigt sur ses lèvres, pût recommander un prudent silence.

Devant un des soupiraux, il s’agenouilla et fit signe à la jeune fille de l’imiter. N’attendant pas une invitation qui aurait pu ne pas venir, Novalaise et Veulettes s’accroupirent près de la lucarne suivante et avancèrent prudemment la tête.

Tout de suite, ils furent rassurés. La foule recueillie qu’ils contemplaient de si haut, ne songeait pas à lever les yeux vers d’improbables profanes, dont la présence ne pouvait être soupçonnée.

Dans une crypte grandiose par ses proportions, creusée en plein roc et soutenue par de hauts piliers, des lamas priaient devant des statues dorées qu’éclairaient des rangées de lampes d’autel. Accrochées à la voûte, aux galeries, d’innombrables bannières reproduisaient identiquement des effigies de Bouddha et de divinités diverses. Des fresques ornaient les murs.

La plupart des lamas étaient dépenaillés. Seuls, quelques dignitaires portaient des vestes de drap d’or et des manteaux ornés de pierres précieuses. Leurs trônes, de hauteurs différentes, selon le rang de l’occupant, précédaient les simples bancs très bas et recouverts de tapis, dont devait se contenter le troupeau. Tous étaient assis, les jambes croisées, à la mode orientale, et psalmodiaient lentement des invocations, accompagnés par un orchestre de trompettes, de tambourins et de clochettes. Il y avait aussi, à l’extrémité des bancs, des novices, – enfants qui osaient à peine respirer, par suite de la crainte que leur inspirait le fouet du surveillant, ou tseulimpa, sévère aux bavardages.

Devant le maître-autel, que dominait la statue dorée d’un bouddha grimaçant et sans doute particulièrement vénéré, trois personnages officiaient.

— Kampo-Goro… Sayn-Tzuren… Ta-Dzuk, chuchota Balma. Maintenant que vous avez vu le temple, venez. Il ne faut pas trop s’attarder ici…

Obéissante, Sylvette le suivit – quoique à regret. Et Jacques Novalaise, dont les yeux vifs enregistraient clichés sur clichés, obtempéra de même. À la suite du Bouddha vivant, ils refirent une partie du chemin parcouru.

Soudain, Balma se retourna avec inquiétude.

— Où est donc votre compagnon ? demanda-t-il au journaliste.

Fred Veulettes, en effet, ne les avait pas suivis. Désobéissance volontaire, ou simple distraction ?

— Je vais le chercher, proposa Novalaise, bon enfant. Retournez m’attendre dans la cellule. Je connais maintenant, grâce à vous, le chemin de ce labyrinthe de roc. Je vais vous ramener le sieur Veulettes.

Celui-ci n’avait pas bougé. Le journaliste le retrouva dans la même posture contemplative. Pourtant, dans la crypte, la psalmodie avait cessé et les pieux lamas se retiraient en bon ordre. Peu à peu, le temple se vidait.

Un seul personnage n’en passa point la porte. C’était Kampo-Goro, en apparence demeuré en prière devant le bouddha d’or.

— Peut-être allons-nous assister à un colloque entre ce pontifie et la divinité dont il est le confident et l’interprète ? ricana Novalaise, oubliant dans quel but il avait rejoint Fred.

— Cette statuette est bien curieuse, émit le jeune homme, dont les regards, plutôt cupides, inventoriaient les richesses du temple. C’est assurément la plus belle chose qui se trouve ici…

— Elle vaut son pesant d’or, ricana Novalaise, sarcastique.

— Comme vous dites ! approuva Fred, avec ingénuité. Est-ce que ce bonze va s’attarder longtemps ?

— Vous voudriez admirer de plus près ? lança Novalaise, ironiquement. Ce ne serait pas impossible, si vous avez quelque pratique de la gymnastique. On peut fort bien, de cette lucarne, sauter dans la galerie supérieure et, de là, descendre dans le temple par l’escalier que nous apercevons. Remonter n’offrirait guère plus de difficulté… à la condition, toutefois, de n’être pas trop chargé…

Fred Veulettes ne releva pas l’insinuation injurieuse. Ou bien il ne le remarqua pas. Il couvait des yeux la statuette.

— Mais, le bonze n’a pas l’air disposé à nous céder la place ! soupira-t-il avec dépit.

— Ce bonze est un lama, rappela gravement Novalaise. Patientez. Si longue que soit une oraison, elle ne saurait durer autant qu’une vie humaine. Le sommeil, au besoin, se chargerait de l’écourter. Mais, je suppose que celle-ci ne doit être qu’un prologue.

Il présumait assez juste. Lorsque se fut écoulé un temps suffisant pour que tous les lamas, qui venaient d’évacuer dans le temple, s’en fussent définitivement éloignés, Kampo-Goro se leva et se dirigea vers le socle de la statuette.

— Quand je disais qu’il allait interviewer le dieu ! jubila Novalaise, oubliant tout à fait Sylvette et Balma. Ils doivent se confier réciproquement leurs petits secrets. Jeune homme, ouvrez les oreilles.

Il se trompait d’organe. Ce furent leurs yeux qu’ils durent ouvrir. Car Kampo-Goro, sans prononcer un seul mot, se haussait sur le maître-autel, de façon à se trouver à hauteur de la statuette. Poussant alors un ressort invisible, il fit basculer le nombril du bouddha, dont le ventre s’ouvrit ainsi qu’un coffre-fort.

Puis, plongeant une de ses mains sous les ornements dont il était revêtu, il ramena un coffret qu’il enfonça dans la cachette. Après quoi, ayant remis en place le ventre du dieu d’or, il descendit de son perchoir et s’en fut.

— Elle est bonne ! s’esclaffa Veulettes, stupéfait, content. C’est à cette statue qu’il confie ses économies ou ses valeurs ? Le bouddha caisse d’épargne ! L’idée est originale. Je suppose qu’il doit y avoir un secret pour ouvrir. Autrement, le dépôt ne serait pas en sûreté. Il est vrai que nous sommes les seuls à avoir surpris ce secret. Et bien par hasard…

— Et comme nous allons repartir, nous n’en abuserons pas, ajouta le journaliste, pince-sans-rire.

— Évidemment. Nous n’en avons d’ailleurs pas le temps… acquiesça Veulettes, avec un regret mal dissimulé.

Il fallut, néanmoins, qu’il imitât Novalaise qui se relevait.

— L’heure passe, remarqua celui-ci, en consultant sa montre-bracelet. Il ne faut pas trop nous attarder. Allons rejoindre Mlle Carignan.

Mais, quand le journaliste eut réintégré la cellule, il s’aperçut que son compagnon, à la faveur de l’obscurité, était demeuré en arrière.

Il n’eut pas le temps de s’en étonner outre mesure. Un autre sujet d’ébahissement l’attendait. La cellule était vide… Et sur le sol, déployée, gisait la robe jaune du Bouddha vivant…

— Sacredié ! Il me semble que l’aventure se corse ! s’exclama le journaliste.

IV

LA FUITE

Ayant mis à profit le conseil de Novalaise, Fred avait sauté dans la galerie supérieure. Il était dans le temple.

Et tout de suite, il se dirigea vers le bouddha d’or.

— On ne ferait pas à un dieu l’injure de lui dédier un misérable alliage, murmura-t-il. Ce métal doit être à vingt-quatre carats. Si j’y ajoute les diamants dont la statuette est ornée et les pierreries qui forment les yeux, l’ensemble présente un réel intérêt. Je néglige l’intérieur : c’est la surprise. Vrai ! Je me sens une âme de collectionneur. Je ne suis pas bouddhiste et il n’y a, en face de moi, qu’une curiosité d’or. Alors, ne nous frappons pas. Est-ce que les archéologues se gênent pour s’approprier des statues de Vénus, de Jupiter ou d’Apollon ?

Il empoigna la statuette et la décolla de son socle. Le poids était d’une bonne vingtaine de kilos. Le mince Veulettes ne le jugea point excessif.

— Hop ! Viens avec moi, petit.

Il posa le dieu sur l’autel, pour sauter à terre. Il ne lui restait plus qu’à emporter son larcin hors du temple. Tâche peu commode, s’il lui fallait emprunter, au retour, l’itinéraire suivi à l’aller.

— Misérable chien !… Impudent voleur !… Sacrilège !

Éclatant dans le silence recueilli de la crypte, ces exclamations indignées furent suivies de violents coups de gong. Apparition vengeresse, surgie d’un des côtés de l’autel, à quatre pas du touriste indélicat, Kampo-Goro donnait l’alarme à tour de bras.

Les réflexes du jeune Fred furent d’une netteté et d’une rapidité admirables. Un bandit professionnel ne se fût pas mieux comporté, en conservant plus de sang-froid. Il se rua sur Kampo-Goro et le réduisit au silence, en l’étourdissant d’un coup de poing. Le chef des lamas s’effondra comme une marionnette lâchée par le montreur. Après quoi, estimant que l’appel de Kampo-Goro pouvait avoir été entendu et qu’il ne ferait pas bon s’attarder dans le temple, il courut à l’autel reprendre la statuette et s’enfuit en la serrant dans ses bras.

Mais, au moment d’atteindre l’escalier de la galerie, il entendit une rumeur. Alertés par les coups de gong, des lamas accouraient en grand nombre. Veulettes s’élança dans l’escalier…

S’étant approché de l’ouverture de la cellule, Jacques Novalaise aperçut Sylvette et Balma qui lui adressaient des signes, aussitôt interprétés. Il fallait remonter au panier. Ce qu’il fit.

Au même moment, un bruit de course folle eut lieu derrière lui et le journaliste se retourna, inquiet. Il vit accourir Fred, haletant, qui semblait cacher quelque chose.

— Alerte… On me poursuit. Fuyons… Fuyons… Mettez-vous dans le panier. Je vais vous descendre.

Ahuri, mais obéissant, Jacques Novalaise se laissa convaincre et prit place dans le panier. Au moment où il s’apprêtait à le faire descendre, Fred déposa rapidement un paquet enveloppé dans son imperméable.

Novalaise n’eut le temps ni de questionner, ni de protester. Entraîné par le lest que venait d’y ajouter le jeune Fred, le panier descendait avec une rapidité vertigineuse.

En quelques secondes, le journaliste se trouva au sol, à deux pas de Sylvette et du Bouddha vivant.

— Que faites-vous ici ? leur demanda-t-il, avec inquiétude.

Ce fut l’étudiante qui répondit, radieuse :

— Je l’enlève ! J’emmène le Bouddha vivant en Europe !… Vous comprenez ? Nous venons d’arranger ça ensemble. Il s’embêtait, ce petit, dans son monastère…

— Mais, vous êtes folle ?… Nous allons avoir tout le couvent sur les bras !

Un tumulte éclatant au-dessus de leur tête leur fit lever les yeux. Ils eurent la vision rapide de Fred, entouré par les lamas, au moment où il s’apprêtait à se saisir de la corde, pour descendre.

Le jeune homme disparut, entraîné par les lamas. Affolés, Sylvette et Novalaise se concertèrent du regard. Fallait-il voler au secours du camarade ?

Balma comprit leur intention et se hâta de les en dissuader.

— Mais, voyons, que feriez-vous contre des centaines de lamas ?

Ce fut alors que ses regards tombèrent sur le paquet demeuré dans le panier. Il se pencha, l’ouvrit et aperçut, avec effroi, la statuette de Bouddha. Ses traits se décomposèrent.

— Sacrilège ! Sacrilège ! s’exclama-t-il. Déjà, vous commettiez la folie de m’enlever, sous le prétexte que je n’ai pas la vocation d’être dieu… Le vol de cette statuette sacrée de Bouddha va achever de déchaîner leurs fureurs. Ils vont nous poursuivre…

Mais, loin de s’épouvanter à cette idée, Jacques Novalaise parut se rassurer. Il semblait avoir une idée.

Et, se saisissant de la statuette :

— Fuyons toujours vers le dirigeable, dit-il en entraînant vivement ses compagnons. Si nous pouvons y arriver, nous serons sauvés et, peut-être, nous sera-t-il possible d’exécuter mon plan.

V

LA COLÈRE DES LAMAS

Novalaise n’alla pas très loin. La statue était lourde. À l’abri du premier écran de rocher qu’il rencontra, il fit halte et déposa son pardessus.

— Nous devons avoir le temps de souffler et de nous entendre, expliqua-t-il. Il n’est pas certain que les lamas se lancent tout de suite à notre poursuite. D’abord, parce qu’ils peuvent ne pas nous avoir aperçus. Il est probable que ce n’est qu’au jeune Veulettes qu’ils en veulent. Et pour le moment, ils se contenteront de cette proie. Sans doute n’ont-ils pas encore constaté la disparition de leur Bouddha vivant ? Je devine ce qui a dû se passer : ils auront surpris notre indélicat compagnon au moment où il venait de s’approprier la statuette d’or… Fred Veulettes leur a d’abord échappé. Il avait de l’avance sur eux et a pu, de la sorte, arriver jusqu’à la fenêtre de roc et m’encombrer de son larcin. Joli cadeau ! Cela pouvait me mettre – et vous deux avec moi ! – dans une fichue situation… Mais, à tout prendre, je crois que c’est précisément cette imprudence qui va constituer notre sauvegarde et nous mettre à même de parlementer avec les lamas, justement indignés. La seule chance du jeune Veulettes consiste dans le fait que les lamas doivent désirer avant tout rentrer en possession de leur statue. Ils se garderont donc de massacrer notre chenapan de compatriote et préféreront l’interroger… Je pense que Veulettes, qui nous a prouvé son parfait manque de scrupules, n’hésitera pas, pour sauver sa vie, à les lancer sur notre piste… Si, d’autre part, dans l’intervalle, on a constaté la fuite du Bouddha vivant et qu’on nous soupçonne de l’avoir emmené avec nous pour faire pendant à la statue d’or, ces braves Thibétains auront une double raison de nous donner la chasse. Ils n’imaginent pas, naturellement, que nous avons à notre portée un moyen de leur brûler la politesse et d’échapper à leur poursuite.

— Mais, pourquoi avoir emporté la statue ? intervint Sylvette. Nous nous faisons ainsi les complices d’un voleur, dont vous ne pouvez que réprouver l’acte. Il serait beaucoup plus simple de laisser là la statue, à la disposition des lamas. Vous leur enlèveriez ainsi toutes raisons de nous attaquer.

— Et Balma ? demanda simplement le journaliste, en désignant le Bouddha vivant. Faut-il le leur abandonner aussi ?

La jeune fille fit la moue.

— Ce n’est pas la même chose ! protesta-t-elle. La statue n’est qu’un bloc d’or inanimé… tandis que ce jeune homme est une créature intelligente, qui souffre d’être condamné à cette sorte d’emprisonnement perpétuel. À l’état de dieu emprisonné, il préférera, certainement, la situation d’homme libre. C’est du moins ce qu’il m’a affirmé tantôt.

— Et je le répète encore, soupira le dieu malgré lui.

— D’accord, convint Novalaise. Mais, il reste tout de même le cas Veulettes. Bien que cet individu ne m’inspire aucune estime et qu’il ait mérité un châtiment, j’ai peur que celui qu’on lui réserve ne soit disproportionné à son crime. À notre jugement, bien entendu… Bref, il me répugne de laisser un compatriote en péril de mort. Et je prétends tenter de le sauver.

— Vous ne prétendez pas cependant l’arracher aux lamas ? objecta Sylvette, peu convaincue. Même si vous faisiez appel à l’équipage du dirigeable et à nos compagnons de voyage – et s’ils consentaient à nous aider – je doute que vous soyez de force à réduire la garnison du monastère.

— Aussi, n’est-ce pas ainsi que j’entends procéder, répliqua le journaliste. Point de combat, mais un échange. Rallions l’avion, et emportons la statue. Il nous sera alors facile, sous la protection du dirigeable, de parlementer avec les lamas et de leur proposer la restitution de leur idole contre la libération du jeune Veulettes.

— Et Balma ?

— Nous n’en parlerons pas. Nous l’aurons mis, préalablement, en sûreté dans la nacelle du dirigeable, et nous feindrons d’ignorer sa fuite aussi bien que l’endroit où il aura pu se cacher…

— Tout ceci me semble réalisable, conclut Sylvette, après avoir réfléchi.

— Nous sommes d’accord ? Mettons-nous en route.

Novalaise reprit son fardeau et, précédé de ses compagnons, entreprit la pénible escalade des rochers, au haut desquels se trouvait le plateau qui avait servi de terrain d’atterrissage à l’avion. Il n’était pas au tiers de la montée, que des cris furieux l’obligèrent à se retourner. Au-dessous de lui, menaçants, déchaînés, les lamas accouraient en brandissant des armes.

Mesurant de l’œil la hauteur qui le séparait du but de leur ascension, Novalaise hocha la tête.

— Je crois que nous sommes fichus, murmura-t-il, en pâlissant légèrement.

 

*    *    *

 

Saisi par les lamas, le jeune Veulettes – qui brillait peut-être par l’audace, mais point par le courage – était devenu livide.

Sans penser à regarder au bas du rocher – et perdant ainsi l’occasion de découvrir Novalaise, Sylvette, le Bouddha vivant et la statue d’or – les lamas, rugissant de fureur, n’avaient songé qu’à entraîner leur captif dans le dédale des couloirs qui conduisaient au temple. En vain, Fred Veulettes tentait de se débattre et d’attendrir ses ennemis.

— Grâce ! Pitié ! Lâchez-moi !… Je vous la rendrai. Je vous dirai où elle est… Mais, lâchez-moi donc ! Vous voyez bien que je ne l’ai pas. Vous feriez bien mieux de courir après ceux qui l’emportent.

Lâcheté perdue. Trahison inutile. Les lamas ne comprenaient pas le français. Et le sens des supplications de leur prisonnier leur échappait totalement.

Persuadé qu’on le menait à la mort, le jeune Veulettes hurlait comme un possédé. Mais sa résistance ne l’empêcha pas d’être traîné dans le temple et amené devant le chef suprême du monastère, dont le nom était Kampo-Goro, ainsi que l’avait révélé Balma.

Terrifié, Fred Veulettes reconnut en lui le Thibétain qu’il avait assommé.

— Misérable sacrilège ! l’apostropha en français le chef des lamas, tremblant de colère. En portant la main sur moi et en volant le bouddha d’or, tu as mérité dix mille morts ! Et tu les subiras !… Qu’as-tu fait de ton larcin ?

Veulettes reprenait courage, en même temps qu’un peu d’aplomb.

— Le destin que vous me promettez ne m’encourage guère à vous répondre, répliqua-t-il avec impudence. Sans doute, il me serait facile de vous faire rapidement rentrer en possession de votre statue, en même temps que d’un jeune homme, auquel vous devez attacher un certain prix, puisqu’il se prétend le Bouddha vivant…

— Que dis-tu ? interrompit Kampo-Goro, rugissant. Le dieu a été enlevé ?

— Je ne sais pas si c’est un enlèvement, ricana Fred Veulettes, mais le fait est qu’il n’est plus dans le monastère et qu’il chemine en compagnie d’une aimable jeune fille… en emportant votre statue !

— Par où se sont-ils enfuis ? Où sont-ils ? Parle ! Si tu dis vrai et que nous les rattrapions, tu auras la vie sauve. Mais, si tu nous trompes, nous te ferons périr dans d’effroyables tortures.

— Je dis la vérité, riposta Veulettes, avec assurance. Amenez-moi seulement au pied du rocher, dans la paroi duquel ouvre la cellule du Bouddha vivant, et j’espère vous mettre sur les traces de ceux qui emportent votre bien. Armez-vous, toutefois, si vous possédez des armes, car je présume qu’on pourrait bien ne pas vous les rendre sans combat.

— Viens !

Et, quelques instants plus tard, toute la meute, guidée par le misérable, s’élançait sur les traces des fugitifs.

— Les voilà ! cria joyeusement Fred, en désignant la pente qu’escaladaient Novalaise et ses compagnons.

Ceux-ci fuyaient avec toute la rapidité dont ils pouvaient faire preuve. Mais, ils n’étaient pas à mi-chemin de la pente, qu’une volée de pierres s’abattit à deux pas d’eux. Puis, ce furent des flèches, qui les environnèrent. Pourtant, aucun projectile ne les atteignit. Mais, une seconde volée de pierres se rapprocha d’eux et, comme l’avant-garde des lamas s’élançait déjà sur la pente, pour rapprocher leur tir, les fugitifs ne gardèrent que peu d’illusions sur l’issue de cette poursuite ; ils étaient en danger et il ne leur restait que bien peu de chances d’atteindre le sommet.

— Si j’abandonnais la statue, pour m’alléger ? dit Novalaise. En l’occurrence, ce qu’il importe avant tout, c’est de sauver nos vies. Tant pis pour le jeune Veulettes ! Cette petite canaille aura bien mérité un châtiment.

Ils continuèrent leur escalade – de plus en plus pénible. Mais – chose bizarre ! – Novalaise et ses compagnons remarquèrent que les flèches et les pierres les accompagnaient, sans les atteindre.

— On dirait que les lamas ne cherchent qu’à nous effrayer, dit Sylvette, en s’efforçant de reprendre son souffle.

— Parbleu ! s’exclama Novalaise. Ils veulent nous prendre vivants !… Ou plutôt, ils redoutent d’atteindre le Bouddha. Hurrah ! Ceci nous laisse une chance. Du courage ! Nous allons être sauvés !

Mais, comme il achevait ces mots, une étrange pesanteur paralysa ses membres. Le journaliste devint incapable de faire le moindre mouvement… Il s’aperçut aussitôt, avec terreur, que ses compagnons s’arrêtaient aussi, pareillement pétrifiés.

 

*    *    *

 

Obéissant à leur fureur et aussi à l’instigation du jeune Fred, c’était spontanément que les lamas, tout en s’élançant à l’assaut de la pente, s’étaient mis à lapider les fugitifs et à les cribler de flèches. Mais, dès la première volée, une voix stridente avait retenti derrière Kampo-Goro.

— Arrêtez-les, grand lama ! Ils peuvent atteindre le Bouddha vivant, songez-y !

Et Kampo-Goro avait commandé, aussitôt :

— Effrayez-les seulement. Je défends qu’on les blesse. Vous avez raison, lama Ta-Dzuk… Mais, c’était pourtant le seul moyen d’interrompre leur fuite. Ils vont nous échapper. Et le Bouddha vivant en même temps… Que faire ?

— Ceci, répondit simplement Ta-Dzuk. Oubliez-vous mon pouvoir, grand lama ?

En un geste autoritaire, il étendit ses mains dans la direction des fugitifs. De ses yeux étranges, pailletés d’acier, deux flammes semblèrent jaillir.

— Restez-là !… ordonna-t-il. Je vous change en statues…

Ô miracle ! Les fugitifs furent alors frappés d’une immobilité complète. Le visage de Kampo-Goro s’illumina.

— Vous avez encore raison, cher Ta-Dzuk. Comment avais-je oublié votre pouvoir et la puissance de votre volonté, plus rapide que la flèche et d’une portée plus efficace ?

C’était un grand magnétiseur, que le lama Ta-Dzuk, barbu comme une chèvre et doté d’une peau si parcheminée que le sang n’y pouvait plus affleurer.

— Avançons, maintenant, ordonna Kampo-Goro. Ils sont à nous.

Et la petite troupe monta jusqu’aux fugitifs pétrifiés, qu’approchèrent Kampo-Goro et Ta-Dzuk.

— Cher Ta-Dzuk, dit Kampo-Goro, ranimez d’abord Bouddha vivant. Nous déciderons ensuite du sort des autres.

Les yeux de Balma oscillèrent légèrement dans leurs orbites. Ses lèvres s’entr’ouvrirent, sa langue se délia. Il fit un mouvement et respira avec le soulagement d’un être qui sort d’une léthargie.

Mais ce fut pour entendre alors l’admonestation du grand lama :

— Comment as-tu pu, toi qui es dieu, oublier pareillement ton devoir ?… Tu les suivais ? Tu t’étais laissé tenter par leur soi-disant liberté ?… Reviens à toi, Balma ! Reviens parmi nous.

Les yeux du Bouddha vivant fixèrent ceux de Kampo-Goro.

— Que ferez-vous de ceux-ci ? interrogea-t-il, dédaignant de répondre.

Le grand lama s’emporta.

— Ce sont des sacrilèges ! Ils seront châtiés.

Et le regard que Kampo-Goro attacha sur les captifs semblait promettre des supplices.

— Toi seul, parce que tu es dieu, échapperas à leur sort… à la condition que tu te montres docile. Sinon… songe au poison du lama Sayn-Tzuren !

Balma semblait réfléchir. Soudain, il décida :

— Je vous suivrai. Mais, à une condition…

 

*    *    *

 

Jacques Novalaise et Sylvette Carignan revenaient doucement à eux. Ils ouvrirent, comme Balma l’avait fait, de grands yeux et promenèrent autour d’eux des regards égarés.

— Que vous est-il donc arrivé ? leur cria une voix connue.

Ô stupeur ! ils sont près de l’avion et c’est le pilote qui les interroge ainsi. La statue d’or et Balma ont disparu. Par contre, le jeune Veulettes est là…

— Avons-nous donc tout rêvé ? demanda Sylvette, avec, au fond du cœur, le regret de l’aventure perdue.

— Non, dit Fred Veulettes, en secouant la tête. Vous venez bel et bien d’échapper au supplice que les lamas vous réservaient.

— Et comment cela ? s’ébahit Novalaise, fort heureux de ce dénouement imprévu.

— Balma nous a tous sauvés.

— Balma ? questionna vivement l’étudiante.

Elle constatait avec plus de tristesse, cette fois, son absence. Les lamas l’avaient donc repris ?

— Qu’en feront-ils ? questionna-t-elle avec crainte.

— Un dieu, sans doute, répondit jovialement Novalaise. Bah ! c’était dans sa destinée !

— Laissez donc parler M. Veulettes, s’écria la jeune fille avec impatience.

— Bien… Bien…

Le jeune homme semblait encore impressionné par la scène étrange à laquelle il venait d’assister. Il essaya de la décrire.

— Vous escaladiez la pente… Je vous voyais monter aussi vite que vous le pouviez… Et soudain, par un simple geste du lama Ta-Dzuk, vous vous immobilisiez tous trois. De vraies statues. Ce fut alors que nous nous approchâmes… Ta-Dzuk, sur l’ordre du grand lama, éveilla d’abord Balma et tenta de le fléchir. Mais, lui, ne cédait pas.

« — Je remplirai ma destinée divine et humaine, lui disait-il. Sans révolte, je m’y engage par serment… Mais à la condition que ceux-ci partiront sains et saufs.

« J’avoue avoir bien tremblé pour vous… et pour moi, par ricochet. Kampo-Goro hésitait. Mais Ta-Dzuk, le magnétiseur, qui lit dans les pensées, intervint :

« — Il est toujours dieu. Il faut respecter sa volonté, déclama-t-il. C’est aussi celle de Bouddha. Et se tournant vers vous : « Allez ! commanda-t-il. Partez en oubliant ce que vous laissez derrière vous. Je vous interdis de revenir en arrière. Vous ne vous éveillerez que quand vous aurez atteint le but que vous vous étiez fixé. »

« C’était l’avion. Je vous ai vus, tous deux, obéir et partir comme des automates… »

Ce que Veulettes ne disait pas – et pour cause ! – c’était que Balma, méprisant, s’était adressé à lui aussitôt après.

— Accompagne-les, avait dit le dieu vivant. On te fait grâce…

— Car ton destin n’est pas ici, avait ajouté Ta-Dzuk, qui savait lire l’avenir. Un châtiment plus grand t’est réservé dans ton pays. Suis la route honteuse dans laquelle tu t’es engagé. Je te vois très loin, très loin, à l’autre bout du monde, revêtu d’une livrée infâme et chargé de fers…

Mais, ceci, le jeune Veulettes ne tenait pas à le répéter à ses compagnons.

Il était parti rejoindre Sylvette et Novalaise, tandis que le cortège des lamas, emportant la statue d’or et encadrant le Bouddha vivant, assez mélancolique et désormais prisonnier volontaire, redescendait vers le monastère avec des mines joyeuses.

— Il nous a sauvés, conclut Veulettes, en soupirant. Il ne nous reste plus qu’à continuer notre voyage. Mais, je ne me consolerai jamais de n’avoir pas pu emporter la statuette, dont j’ignorerai toujours le secret : ce coffret mystérieux que Kampa-Goro enferma, sous nos yeux, dans le ventre du bouddha d’or.

— Ce n’est pas à lui que vont mes regrets, dit Sylvette, d’une voix méprisante. C’est à un autre… À ce jeune homme, à ce dieu qui, désormais, va demeurer prisonnier…

Et ses regards nostalgiques effleurèrent encore une fois le plateau thibétain, loin duquel allaient l’emporter l’avion, puis le dirigeable.

 

FIN

 


Ce livre numérique

a été édité par la

bibliothèque numérique romande

 

https://ebooks-bnr.com/

en avril 2022.

 

– Élaboration :

Ont participé à l’élaboration de ce livre numérique : Anne C., Sylvie, Françoise.

— Sources :

Ce livre numérique est réalisé principalement d’après : H. J. Magog, Le Bouddha vivant, Collection Mon Roman d’Aventures n° 208, Éditions Ferenczi, 1952. L’illustration de première page reprend la page reprend la couverture de l’édition de référence, de R. Houy.

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